La responsabilité du médecin

    Prof. G. CORNU

    Etre responsable, c'est répondre de ses actes. Comme toute personne, le médecin peut, à l'occasion de l'exercice de sa profession, être amené à répondre de ses actes.

    Sur le plan juridique, un médecin, comme tout citoyen, peut devoir répondre de sa pratique professionnelle devant diverses juridictions ordinaires tant civiles que pénales.

    Sur le plan disciplinaire, en tant que médecin, il peut être traduit devant une juridiction ordinale pour répondre de la violation des règles de la déontologie médicale. En effet, lorsqu'il enfreint une norme déontologique, le médecin porte atteinte aux intérêts de sa profession et en répond devant ses pairs.

    On assiste, depuis le milieu du XXème siècle, concomitamment à une augmentation d'actes médicaux et à un accroissement du contentieux de la responsabilité civile médicale. Plusieurs facteurs paraissent être à l'origine de cette évolution.

    Paradoxalement, les progrès de la science médicale figurent sans doute parmi les principales causes de l'augmentation du nombre de procès intentés contre des médecins.

    En effet, ces progrès ont été accompagnés de la création de risques nouveaux, liés à une technicité toujours plus grande de l'acte médical dont la réalisation engendre des dommages mal acceptés par les patients.

    En outre, la démocratisation et l'élévation du niveau culturel de notre société conduisent à une modification de la perception du monde médical. Désormais mieux informé, conscient des nouveaux pouvoirs de la science mais aussi des risques de dérapage, le patient est plus exigeant.

    Enfin, des évolutions législatives, telles que la loi sur les droits du patient, ont précisé les obligations des médecins dont le non-respect met en cause leur responsabilité.

    Aussi bien le Code de déontologie que la loi relative aux droits du patient vont placer le médecin vis-à-vis de son patient dans un véritable contrat comportant pour le praticien l'engagement sans doute bien évidemment de guérir le malade, sinon du moins de lui donner les meilleurs soins consciencieux, attentifs et conformes aux données actuelles et acquises de la science, par des prestations de qualité répondant à ses besoins et ce, dans le respect de sa dignité humaine et de son autonomie sans qu'une distinction d'aucune sorte ne soit faite.

    La qualité des soins dispensés est ainsi un des devoirs importants du médecin ; il doit apporter les soins les plus appropriés à son patient et le faire bénéficier de thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue en regard des connaissances médicales avérées. Le médecin doit faire preuve de prudence et de diligence et mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour tendre au résultat attendu.

    L'absence de guérison n’est pas à elle seule constitutive d’une faute. Mais la faute peut intervenir dans l'établissement du diagnostic ou dans la conduite du traitement, consistant en l'accomplissement d'un acte positif ou résultant d'une simple abstention. La faute reste ainsi la clé de voûte de la responsabilité médicale qui ne saurait découler de la seule réalisation d'un aléa thérapeutique.

    Il en est de même de ce devoir éthique fondamental du médecin d'informer correctement son patient. Le médecin est, en effet, tenu à une obligation d'information de plus en plus rigoureuse. Ceci découle de la loi relative aux droits du patient. Le consentement de ce dernier dépend étroitement de l'information donnée par le médecin.

    Dès lors, il n'y a de consentement valable à l'acte médical que si le patient est préalablement éclairé. Réciproquement, le refus du patient de recevoir les soins est dénué de toute portée s'il n'est pas établi que le patient avait été informé des risques graves encourus en cas d'opposition au traitement préconisé. C'est sur cette base qu'une relation de confiance entre le médecin et son patient doit s'établir.

    La loi relative aux droits du patient va ériger l'information médicale au rang de véritable droit du patient. L'article 7 précise en effet que le patient a droit, de la part du praticien professionnel, à toutes les informations qui le concernent et peuvent lui être nécessaires pour comprendre son état de santé et son évolution probable. La communication avec celui-ci se déroule dans une langue claire, le patient peut demander que les informations soient confirmées par écrit et, à sa demande écrite, les informations peuvent être communiquées à la personne de confiance qu'il a désignée.

    Les informations fournies au malade en vue de la manifestation de son consentement concernent l'objectif, la nature, le degré d'urgence, la durée, la fréquence, les contre-indications, les effets secondaires et les risques inhérents à l'intervention, les soins de suivi, les alternatives possibles et les répercussions financières. Elles concernent, en outre, les conséquences possibles en cas de refus ou de retrait du consentement. Ces informations sont fournies préalablement et en temps opportun. Le patient a le droit de refuser ou de retirer son consentement. Ce refus ou le retrait de consentement n'entraîne pas l'extinction du droit à des prestations de qualité.

    Le médecin se doit d'informer son patient des risques de toute intervention. En effet, même si cette intervention est indispensablepour la sauvegarde de la vie du patient ou le rétablissement de son état de santé, il appartient au patient de prendre, avec le professionnel de la santé et compte tenu des informations et des précisions qui lui sont fournies, les décisions opportunes. Dès lors, le médecin n'est pas dispensé de l'information sur la gravité du risque par le seul fait que l'intervention est nécessaire ou le seul fait que ses risques ne se réalisent qu'exceptionnellement.

    La jurisprudence et la loi reconnaissent cependant un certain nombre de situations dans lesquelles le médecin est dispensé d'accomplir son obligation d'information. Ainsi, en cas d'urgence ou d'impossibilité, le médecin est dispensé de l'obligation d'informer son patient sur les risques graves inhérents aux investigations ou aux soins qu'il propose.

    Dans l'article 8 § 5 de la loi relative aux droits du patient, il est clairement stipulé qu'en cas d'urgence, s'il y a incertitude quant à l'existence ou non d'une volonté exprimée au préalable par le patient ou son représentant, toute intervention nécessaire est pratiquée immédiatement par le praticien professionnel dans l'intérêt du patient. Le praticien professionnel en fait mention dans le dossier.

    De même, dans l'article 7 § 3, il est prévu que des informations ne sont pas fournies au patient si celui-ci en formule expressément la demande, à moins que la non-communication de ces informations ne cause manifestement un grave préjudice à la santé du patient ou de tiers. La volonté du patient d'être tenu dans l'ignorance d'un diagnostic ou pronostic, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission, doit par conséquent être respectée et justifie le silence du professionnel de la santé. Néanmoins, le praticien professionnel doit consulter préalablement un autre praticien professionnel à ce sujet et entendre une personne de confiance éventuellement désignée.

    Enfin, à titre exceptionnel, le médecin peut ne pas divulguer les informations au patient si la communication de celles-ci risque de causer manifestement un préjudice grave à la santé du patient et à condition que le praticien professionnel ait consulté un autre médecin. En effet, le Code de déontologie médicale permet de tenir un patient dans l'ignorance d'un diagnostic ou pronostic grave pour des raisons légitimes. L'article 33 précise, en effet, que "le médecin communique à temps au patient le diagnostic et le pronostic; ceci vaut également pour un pronostic grave, voire fatal. Lors de l'information, le médecin tient compte de l'aptitude du patient à la recevoir et de l'étendue de l'information que celui-ci souhaite".

    Nous relevons néanmoins que la loi relative aux droits du patient énonce qu'il ne peut être recouru à l'exception thérapeutique qu'à titre exceptionnel. Ceci sera généralement le cas uniquement en présence d'affections pour lesquelles il n'existe aucune thérapie causale.

    La loi nous demande, par conséquent, de donner au patient une information simple, intelligible et loyale. Le médecin se doit d'adapter l'information au degré de maturité et aux facultés intellectuelles de son interlocuteur. Il doit faire preuve de psychologie et prendre garde de ne pas se montrer exagérément optimiste en faisant, par exemple, miroiter au patient de fausses perspectives d'amélioration de son état de santé.

    La preuve de l'exécution du devoir d'information incombe naturellement au médecin. Celui-ci, cependant, n'est pas tenu d'en avoir une preuve écrite, cette preuve pouvant être apportée soit par des témoignages, des présomptions découlant d'indices ou encore par un écrit signé par le patient. On constate toutefois que l'usage de la restitution d'un document sur les risques encourus signé par le patient s'est largement développé. Néanmoins, il ne suffit pas que l'information ait été donnée, encore faut-il qu'elle ait été reçue par le patient, c'est-à-dire qu'elle ait été comprise, ce dont le médecin doit personnellement s'assurer en veillant à adapter le langage employé au degré de compréhension de son interlocuteur.

    Les disciples d'Esculape ont donc à faire face à une croissance constante de leur responsabilité. La responsabilité médicale doit être associée à une qualité fondamentale : la conscience professionnelle. Celle-ci invite le médecin à exercer son art de manière responsable, entre autres en centrant son intérêt sur sa relation avec le patient. Tel doit aussi être le souci premier de la responsabilité médicale. Les soins attentifs et consciencieux demeurent la condition première de la relation médicale. Cette exigence sous-tend de facto la responsabilité médicale et aussi une forme de respect des hommes.

    Professeur Guy CORNU, Président du Conseil provincial de l'Ordre des médecins du Brabant d'expression française.

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