Pourquoi un conseil d'appel ?

    Dr J.-L. MICHAUX

    Cet écrit a bénéficié de l'avis éclairé de Monsieur Léandre DRION, président du conseil d'appel du régime francophone.

    Ce propos souhaite apporter un éclairage sur le conseil d'appel de l'Ordre des médecins – ses raisons, son rôle, ses activités – et rencontrer les avis, très souvent réservés, émis par les médecins et les membres des conseils provinciaux. Je me souviens, du temps où je siégeais au conseil provincial, de considérations étonnées voire acerbes sur les décisions prises par le conseil d'appel.

    En règle, tout justiciable a le droit d'interjeter appel d'une sentence émise à son égard. A l'exception, dans notre pays, d'une peine encourue en cour d'assises où seul un vice de procédure peut conduire à un pourvoi en cassation. « La Cour de cassation ne connaît pas du fond des affaires » (art. 147 de la Constitution, al. 2) : il existe donc des exceptions dont la plus importante est la cour d'assises. Tout médecin condamné par un conseil provincial peut se pourvoir en appel ; il doit cependant suivre des règles précises. Notons ici que le Conseil national de l'Ordre des médecins peut interjeter appel d'une décision disciplinaire prise par un conseil provincial.

    En Belgique il existe un conseil d'appel par régime linguistique : un francophone et un néerlandophone dont le siège est situé dans les bâtiments du Conseil national, 34-35, place de Jamblinne de Meux à 1030 Bruxelles. Le conseil est composé paritairement de cinq magistrats et de cinq médecins. Les magistrats sont choisis parmi les présidents ou conseillers des cours d'appel de Bruxelles, Liège et Mons ; ils sont nommés par arrêté royal et ont des mandats de six ans, renouvelables. Les médecins sont élus par les conseils provinciaux de l'Ordre des médecins (Bruxelles-Brabant wallon, Hainaut, Liège, Luxembourg et Namur) ; leur mandat est de six ans, renouvelable. Chaque membre effectif a son suppléant. La présidence du conseil revient à un magistrat nommé par arrêté royal, aidé dans sa tâche par un greffier qui prend aussi en charge les activités administratives. Son mandat est de six ans, renouvelable.

    Les séances du conseil d'appel du rôle francophone se tiennent le mardi après-midi sur convocation du président ; l'ordre du jour porte sur l'audition d'un médecin comparant et l'analyse de son dossier. Chaque conseiller reçoit, en temps utile, une copie du dossier constitué par le conseil provincial et colligeant toutes les pièces importantes en relation avec le problème litigieux. En principe, le conseil d'appel ne recommence pas l'enquête et prend décision sur les pièces du dossier au terme de la défense du médecin comparant et après l'avis consultatif du médecin délégué du Conseil national, la défense ayant toujours la parole en dernier lieu.

    Chaque séance comporte deux parties : l'analyse du litige et la délibération.

    L'analyse du litige se déroule au cours d'une séance publique sous l'autorité du magistrat président qui ouvre et ordonne les débats ; celui-ci vérifie en premier lieu l'identité du médecin comparant ; il explicite le déroulement de la séance et passe la parole au magistrat-rapporteur à qui revient d'exposer les principaux éléments du dossier. Au terme de sa présentation suivent les questions posées et précisions demandées par les conseillers. La parole est donnée au médecin comparant et à son conseil qui documentent les moyens de défense et apportent les réponses souhaitées. Suit ensuite l'avis du délégué du Conseil national dont le rôle est de faire ressortir les éventuels manquements aux règles de la déontologie médicale ; son avis, bien que consultatif, apporte un éclairage heureux dans la complexité de situations délicates. Au terme de cette présentation la parole est donnée à la défense qui peut, soit accepter les conclusions du délégué, soit souhaiter une suspension de séance pour répondre à l'avis du délégué, soit demander un report de séance pour étudier les conclusions et y apporter une réponse adéquate. Après la dernière intervention de la défense se clôturent les débats, suit la fixation de la date du prononcé et le président prononce la fin de l'audience publique si le rôle est épuisé. Le médecin comparant, son conseil et le médecin délégué du Conseil national se retirent.

    La délibération se tient à huis clos ; elle porte en premier lieu sur le bien-fondé du ou des griefs tels qu'établis dans le prononcé de la sentence du conseil provincial. Chaque membre médecin et chacun des magistrats donne son avis d'acceptation ou de refus d'un, de plusieurs ou de tous les griefs. Un ou plusieurs griefs établis conduisent à la détermination d'une peine. En règle, les décisions sont prises à la majorité des voix ; en cas de partage des voix au sein du conseil d'appel, la voix du président est prépondérante. Toutefois, dans certains cas, les décisions sont prises à la majorité des deux tiers au moins des voix ; il s'agit des décisions prononçant la radiation du tableau de l'Ordre ou la suspension du droit d'exercer l'art médical pour plus d'un an. Le niveau de la peine est fixé lorsque la majorité est atteinte. Il convient de rappeler que l'abstention n'est pas acceptée. « Il y a déni de justice lorsque le juge refuse de juger… » (art. 5 du Code judiciaire). Le déni de justice est sanctionné par le Code pénal (article 258). Le magistrat-rapporteur est chargé de rédiger un projet de sentence dont le texte est adressé à chacun des membres du conseil qui peut proposer des corrections ou des modifications. Le texte de la sentence est prononcé en séance publique, en présence de tous les membres qui ont pris part au débat et à la délibération.

    Quelques chiffres documenteront les activités du conseil d'appel et expliciteront les problèmes de procédure auxquels le conseil peut être confronté. En 2007, le conseil a tenu vingt-sept séances, a étudié dix-sept dossiers et a prononcé quinze sentences. Cette différence notable entre le nombre de séances et le nombre de dossiers tient à trois faits :

    • Le décès inopiné d'un membre du conseil – un magistrat apprécié – a conduit à recommencer le jugement des cas en cours de procédure et, en particulier, de trois cas dont le prononcé n'avait pas encore eu lieu.
    • La défense peut demander une remise et la continuation des débats à une date ultérieure.
    • L'ordre du jour de certaines réunions du conseil porte sur des questions juridiques ou procédurières en dehors des dossiers litigieux.

    En ce qui concerne l'écart entre le nombre de dossiers et de prononcés, deux pourvois n'étaient pas recevables pour vice de procédure.

    Les sentences du conseil d'appel bénéficient de l'équilibre des opinions juridiques et de celles des médecins ; aucune préséance ne se dessine au cours des délibérations ; il va de soi cependant que chaque discipline aura une appréciation plus étoffée dans son domaine ; la complémentarité des avis assure une sécurité de jugement. Des discussions serrées peuvent avoir lieu au cours des délibérations ; des discordances d'opinion peuvent même se dessiner ; elles ne sont jamais préjudiciables ni à la recherche de la vérité ni à l'application des peines.

    Une opinion tendancieuse laisse planer un doute sur l'objectivité du conseil d'appel. Je pense pouvoir m'élever contre cette assertion et affirmer que des peines sont aussi aggravées en jugement d'appel.

    Professeur Jean-Louis MICHAUX, délégué effectif au conseil d'appel.

    Avenue de Tervueren 417 - 1150 Bruxelles

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